••• famous last words (Theo)

D'une sensation prenante à la surprise d'une gestion chaotique des émotions ; Dans l'urgence de sa fuite, Hestia ne s'était pas questionnée sur les répercussions de son départ. Lieux identiques pour autre vie, de ce Londres qui avait toujours été le sien, elle n'en reconnaissait que quelques reliquats. Des reliquats d'un temps inversés.

Ce qui avait été ruine dans son présent, devenait réalité dans son avenir passé. Et malgré la lucidité de ce constat, la Rosegrave se sentait déstabilisée. Le regard étranger des quelques personnes qu'elle croisait dans le parc, lui offrait un miroir de dissonance. Elle n'était pas à sa place, pas dans son monde.

Son univers bouleversé par le rouge et la fin, l’Hackeuse s’était retrouvée à un temps qu'elle ne pouvait que songer. Curieuse par nature, elle s'était informée ; Mais du papier glacé à la réalité, le fossé s'en était trouvé que plus brutal encore. Grand écart des récits, éclats des non-dits, elle apprivoisait les années soixante-dix avec le regard neuf d'une génération tournée vers une ouverture de l'esprit autrement esquissée.

Ce qui lui était acquis ne vivait que ses prémices.
Et ce qu’elle n’avait pas imaginé jusqu’à lors devenait sa nouvelle réalité.

Retrouver Théo ; Cette idée folle lui avait semblé merveilleuse. Lui, qui jadis avait bercé ses nuits de songe passionné, se retrouvait - à présent - maitre d'une ancre qu'Hestia s'était jurée de conserver jalousement. Pour autant, la lucidité de sa situation lui offrait un œil compréhensif sur son propre cas ; Elle était une foutue Hackeuse catapultée à un temps où les ordinateurs n'avaient pas encore leur popularité.

Perfecto refermé sur sa silhouette fine, elle gardait les mains dans ses poches. Et de cet ancrage, entre les doigts de sa main droite, elle effleurait l'écran éteint de son smartphone. Relique futuriste, petit point dans le temps lui rappelant au bon souvenir de son échappée belle, elle le conservait jalousement. A l'abri des regards indiscrets, à l'abri des âmes curieuses.

Habillée simplement d'un jean patte d'éléphant et un haut beige surmonté de sa veste en cuir, elle avait la sensation de dénoter, encore et toujours, avec le style de l'époque. Pour autant, Hestia s'était arrangée pour se fondre dans la masse, parce qu'elle n'avait aucune envie de se faire remarquer.
Elle ne pouvait se le permettre.
Du moins, elle s'en était persuadée.

Fugitive d'esprit, la Rosegrave savourait néanmoins sa liberté de corps en arpentant le parc de l'ouest londonien.
De l'heure, elle en avait calculé son arrivée au point de rendez-vous.. Malgré tout, cela ne l'empêchait pas d'arriver un peu trop tôt. Juste assez tôt pour ne surtout pas être en retard.
Parce que quoiqu'elle pût en penser, elle avait besoin de le voir ; Même si elle se savait incapable de l'avouer, même sous la torture.

Regard céruléen se focalisant sur un banc libre, elle s'y laissait échouer sous le regard courroucé d'une mère de famille qui trouvait son allure un poil négligé. Loin de se démonter, le regard à l'éclat rebelle de la Brune se rivait sur l'inconnue pour la défier du moindre commentaire. Et comme convenu, rien ne se faisait entendre.
Alors, en guise d'ultime provocation, elle croisait les jambes dans un mouvement de grâce qui contrastait avec un brin de sourire logé à la commissure de ses lèvres.

Dans la vie, il n'y avait pas de petits plaisirs.
C'était une réalité absolue qui transcendait le temps pour Hestia.

Les minutes s'écoulant ne semblèrent guère longues avant que la Fugitive ne rive son regard sur une silhouette reconnue. Celle de Théo. Là, elle l'observait longuement en ressentant cette onde de soulagement saupoudrée d'un soupçon de culpabilité. Elle ne pouvait oublier ce qu'elle lui avait fait subir au nom d'un vieux fou.
Elle ne pouvait oublier son propre silence.
Parce qu'à elle aussi, il lui avait fait mal.

Pour autant, Hestia se relevait, s'armant de son assurance désinvolte afin de rejoindre son ancien amant. Là, elle lui adressait un grand sourire malicieux qui jurait avec leurs retrouvailles improvisées.

« Alors, ça fait quoi d'être coincé à l'ère du mauvais goût capillaire ? » Qu'elle balançait d'entrée, sans prendre de détour ou de gants. C'était sa manière à elle, de briser la glace. Cette désinvolture désopilante.

« Chez tes petits riches, t'aurais pas un pc ? Non parce que ce n’est pas que je suis en manque mais presque. »
La demande tombait, toujours sur le même ton alors qu'un jeune sportif passait à côté d'eux, aussi surprit par les mots captés que la mère de famille plutôt. En dix minutes, elle avait déjà courroucé deux personnes, c'était un bon score.
En voyant l'air entendu du coureur, elle haussait un sourcil pour marmonner un.. « Pervers. »

Et qu'elle revenait porter son regard océan sur les traits de son ex petit ami. « Sans déconner, contente que tu aies eu mon message. »
Et cette fois-ci, elle était sincère.
Pas qu'elle ne l'eut pas été pour son manque de technologie.

@Theodore Bennett & @Hestia Rosegrave