do i wanna know (loïs)

Au cours des dernières semaines, la vieille demeure qui sert de quartier général aux Tima est devenu ce qui se rapproche le plus d'un chez soi pour Theodore. A défaut de pouvoir retrouver son indépendance, le voilà contraint à partager une chambre avec d'autres sorciers de 2020. Il y a seulement quelques mois cette simple idée aurait pu lui donner envie de hurler. Aujourd'hui, il sait qu'il n'a pas le choix de s'en accommoder, et finalement, une fois passé au delà de l'ambiance colonie de vacances et pyjama party, il sait que ça pourrait être pire. S'il se refuse de l'avouer, la présence d'autres Tima dans cette maison a quelque chose de réconfortant. Peut-être est-ce le fait d'être ici, en 1975, ensembles. De partager leur nostalgie et leurs souvenirs de 2020, leur incompréhension face à cette époque qui les laisse bien souvent perplexe. Malgré tout, les vieilles habitudes reviennent vite et Theo se surprend souvent à vouloir les étrangler dans leur sommeil, d'autant plus lorsque l'un d'entre eux se met à ronfler en pleine nuit. Les joies de la colocation, parait-il.

Ce jour, la demeure est particulièrement vivante. Ce soir le clan est censé se retrouver pour que chaque sorcier puisse toucher la pierre jaune et s'imprégner de sa puissance magique. Ainsi, les sorciers vont et viennent pour préparer le rassemblement. La Trinité est présente depuis le début de la journée, et Theo se doit bien d'avouer qu'il n'est pas certain de savoir ce qui leur demande autant de préparation. Mais qu'importe, cette cérémonie ne le concerne pas, et il sait qu'il restera probablement enfermé dans sa chambre ce soir, s'il ne décide pas d'arpenter les rues de Londres. La journée touche bientôt à sa fin, et le Bennett sait que les sorciers du clans ne vont probablement pas tarder à arriver. Traînant des pieds, il se rend au rez-de-chaussée de la maison pour attraper un verre d'eau avant de se décider sur le cours que prendra sa soirée. La porte d'entrée claque, et le jeune homme n'y accorde pas trop d'importance, pas avant qu'une voix familière ne s'élève dans l'entrée. Figé sur place, Theo manque d'en lâcher son verre d'eau alors que la personne qui vient d'entrer échange avec un autre sorcier dans le couloir. Cette voix, même s'il ne l'a pas entendu à beaucoup de reprises en 1975, il ne la connaît que trop bien. Il reconnaît les intonations, et le timbre, plus doux et moins mature. Sa mère. Ou plutôt, la jeune femme de vingt ans qui deviendra sa mère, un jour. Comme un animal pris au piège, le brun sent son cœur s'affoler dans sa poitrine. Une réaction stupide, puisque la jeune femme ne sait même pas qui il est, si ce n'est un membre du clan venu de 2020. Elle ne sait rien de leur affiliation, car Tori et lui ne lui ont pas encore dit. Car il n'a pas envie de lui faire face, même à cette époque où elle est plus jeune qu'il ne l'est. Tout lui semble trop étrange, il a l'image de cette femme qu'il a toujours respecté et craint à la fois, de cette mère qui n'en a pas toujours été une à ses yeux. L'appréhension et la colère s'entremêlent dans sa tête et dans son cœur, et pourtant, la femme sur qui il a posé ses yeux n'est pas celle qui l'a fait souffrir, pas encore. Mais Theo n'arrive pas à faire la différence entre ces deux versions qui semblent pourtant si différentes. Le voilà qui a l'impression d'être face un film, un préquel lui expliquant les origines de la femme qui n'a pas été capable de l'aimer pour qui il est. Il aimerait fuir, mais la seule issue le ferait passer juste devant elle. Même si cela semble être la meilleure des solutions, lui adresser un simple bonjour et remonter dans la pièce qui lui sert de chambre, ses pieds refusent de bouger.

@loïs foster

Des voix étouffées, voilà tout ce que Theo parvient à entendre alors qu'il reste figé dans la cuisine. Les mots prononcés ne lui parviennent pas avec clarté, si bien qu'il n'est pas capable de comprendre la discussion que sa mère, que Loïs est en train d'avoir avec un autre sorcier. Seules des bribes lui arrivent aux oreilles, et l'intonation presque moqueuse qui habille le timbre de voix de la Tima. Dans d'autres circonstances, il en aurait probablement ri. Difficile pour lui d'imaginer sa mère autrement que comme la femme sérieuse et impressionnante qu'il a toujours élevé. Difficile de l'imaginer comme une jeune adulte ayant pu défier l'autorité comme il l'a fait lui aussi, comme il continue à le faire. Imaginer un tel tableau relève de l'impossible pour Theo, et pourtant.

Le Bennett en profite lorsqu'il entend les talons claquer sur le parquet de la maison, qui lui confirme que la jeune femme s'éloigne de la cuisine. S'il parvient à retourner dans les dortoirs et à s'y terrer jusqu'au début du rituel, il sait qu'il aura gagné encore un peu de temps avant la fameuse confrontation. Discrètement, Theo sort de la cuisine et prend le chemin des dortoirs. Un sorcier, peut-être celui qui a accueilli Loïs il y a quelques secondes, lui accorde un regard perplexe. Le jeune homme ne prend pas la peine de relever, mais il est vrai que son comportement doit sembler étrange pour quiconque ne possède pas tous les éléments en main afin de comprendre la situation. Même alors il n'est pas certain qu'on le comprendrait. Il ne fait que quelques mètres de plus, et au détour d'un couloir il reconnaît la silhouette de la jeune femme. Theo se fige, il aimerait faire demi-tour et sortir par la porte d'entrée pour ne revenir qu'une fois qu'elle sera partie, mais c'est déjà trop tard. Les prunelles de Loïs se posent sur lui, et s'il parvient à reconnaître certains traits du visage de sa mère, c'est son regard qui le frappe, car il n'a pas changé du tout. Il y retrouve seulement un certain éclat inconnu, qu'il n'a jamais pu voir dans le regard de sa mère. Celui de la jeunesse qui n'a pas encore été marquée par la vie, ou pas autant, du moins. Il doit lui sembler bien étrange, planté au milieu du couloir à la dévisager, si bien qu'il n'est pas surpris lorsqu'elle lui pose cette question. « Hm yes.. uh, well, no, I didn't see a ghost. But yes everything is alright. » Lui qui dégage d'ordinaire de l'assurance se retrouve à balbutier devant Loïs, les mots lui échappant comme un flot incompréhensible et désordonné. Il soupire légèrement, tentant de regagner un semblant de calme. « I'm sorry, I'm just a little bit tired, with everything going on lately. I'm from 2020. » Il ne sait pas pourquoi il continue à lui parler, pourquoi il se sent obligé de lui dire tout ça. Il pourrait simplement la contourner et la laisser ici. Mais une partie de lui-même semble avoir envie de lui parler, une partie de lui-même semble ressentir le besoin d'apprendre à connaître cette femme, celle qui deviendra sa mère, d'ici quelques années.

@loïs foster