(a)lone | laughter in the rain

« Right lads, let’s egg this bitch. » Delilah, qui jongle habilement avec quatre œufs, manque d’en faire tomber un lorsqu’elle grimace d’agacement. « Pretty sure that’s a male lion mate. — Yeah it’s called Reggie not Regina. » Surenchérit machinalement Ariadne avant d’écraser le joint qu'ils viennent de partager sur le métal râpeux de la statue en forme de lion rouge. « Anyways, let’s fuck him up. » L’acte est plus élégant qu’il n’y paraît, c’est un ballet bien travaillé que le lancer d’œufs et de papier toilettes, synchronisé avec tantôt l’hymne national tantôt un refrain d'un tube de Queen, le tout motivé par un admirable instinct de loyauté envers leur prestigieuse université. L’odeur de bière et de cannabis couvre celle des œufs éclatés dans le hall du Strand Campus du King’s College de Londres où résonne les rires des étudiants. « That’ll teach them. » Matthew fait belle figure, le menton levé et les bras croisés sur sa poitrine bombée, fier comme celui qui vient de venger son propre honneur. « You don’t even play football mate. — Yeah but I watch the games, innit? — Well, you get smashed at the games anyways. » marmonne Delilah, arrachant un gloussement à Ariadne. Après tout, peu importe quelle équipe universitaire remporte le match, l’occasion sera toujours bonne pour boire. Surtout pour Matt.

« We should boost before we get caught. — No waaaait I need a picture of our masterpiece. » Le polaroïd est déjà sorti et la séance photo se fait en grands éclats hilares, Ariadne tentant même de grimper sur la mascotte toute grimée et manquant de se casser la figure sur le sol de marbre. « Hey! There’s a light over there! » Les cinq têtes se tournent vers le couloir en question et avec moult jurons on entreprend de tout ranger rapidement et de détaler, avant que la silhouette au loin n’arrive à leur hauteur. Ils sont plus lents qu’ils ne le croient toutefois et ont à peine fini de récupérer leurs sacs qu’Ariadne plisse les yeux et esquisse un sourire : « Loïs? » La risette s’agrandit et les yeux pétillent un peu quand elle se retourne vers ses camarades, replaçant innocemment un mèche de cheveux blonds derrière son oreille. « You guys go ahead, I’ll deal with this. » Et sur son clin d’œil appuyé, ils détalent tandis qu’elle prend pratiquement la pose près de leur chef d’œuvre, semblant oublier un instant qu’il risque de ne pas être perçu comme tel par l’étudiante qui lui fait désormais face. « Fancy seeing you here. » Lance-t-elle avec enthousiasme, comme s’il s’agissait d’une rencontre fortuite mais tout à fait anodine, ou plutôt comme si Loïs n’avait pas toutes les raisons du monde d’être sur le campus de sa fac, même à cette heure-ci, et que ce n’était pas précisément Ariadne elle-même l’intruse. « Studying late? » Demande-t-elle toujours tout innocemment, sans se départir de son petit sourire. « Excuse the mess, » décide-t-elle cependant d’ajouter rapidement, n’abordant le sujet que pour mieux l’écarter. « Just a bit of football-related banter. » Et puis King’s et leur petit Reggie ont l’habitude de se faire un peu malmener et ce n’est pas comme si la mascotte de UCL avait été épargnée par le passé par l’école de Loïs. L'histoire retiendra même que ce sont les étudiants de King's qui ont commencé cette guerre, le siècle dernier. « You know how it is. » C’est la tradition, c’est bon enfant.

@Loïs Foster

Comme tous les soirs, Loïs est encore en train d'étudier à la fac. Elle compte bien réussir son master, et fera tout pour y arriver. En plus de son stage au Guardian et de ses cours, elle révise autant qu'elle le peut. Cette année, ils ont un travail à rendre sur un sujet libre. Après réflexion, elle a choisi de parler de la place des femmes dans le monde du journalisme. C'est assez osé, considérant leur place actuellement, et surtout les tâches qu'on lui donne au journal. Mais, Loïs est convaincue, que cela peut donner quelque chose d'intéressant, et pourquoi pas de précurseur. Elle veut réussir, faire mieux que sa soeur, mieux que Poppy. Loïs veut, enfin, que ses parents la voient à sa juste valeur, qu'ils la félicitent comme il se doit, et qu'ils ne la comparent plus à sa soeur. Cela tourne souvent à l'obsession malgré elle. Il faut dire, qu'elle a été élevée dans l'ombre de sa soeur. Cela instaure forcément une compétition.
Ses lunettes sur le nez, elle lit assidument un ouvrage emprunté à la bibliothèque de l'université. Elle ne doit pas tarder, à rentrer chez elle. Son studio est à seulement quelques mètres d'ici. Loin d'elle l'idée de vivre dans une minuscule chambre sur le campus. Néanmoins, elle passe son temps ici, pour étudier. Elle pourrait le faire chez elle, mais ici, l'ambiance y est plus propice. Des rires la sortent de ses pensées. Il faut croire, qu'elle a parlé trop vite. Des étudiants semblent s'amuser dehors, mais ils sont loin d'être discrets. Un énorme soupir effleure ses lèvres. Loïs passe sa main dans ses cheveux blonds encore brushés. Elle ferme son livre, après avoir mis un marque-page. Elle éteint soigneusement la lumière, et se dirige vers le hall, où elle allume les néons. Ses lunettes toujours sur le nez, elle porte un pull lilas et un jean taille haute. Une paire de bottines et des créoles en or viennent terminer le look. Loïs prend toujours soin de son apparence, même pour aller réviser à la fac.

Quelques minutes plus tard, elle se retrouve dehors, debout sur le haut des escaliers qui donnent sur le campus. Elle a les bras croisés. Parmi la foule d'étudiants, clairement pas de KCL, elle reconnaît Ariadne. Loïs lève les yeux au ciel. Deal with this ? Un rire s'étouffe entre ses lèvres. Son regard est attiré par l'oeuvre des sauvages. Pathétique. Son attention se reporte sur Ariadne, quand elle s'adresse à elle. ─ As always, unlike you. Elle arque un sourcil. La blonde n'est clairement pas en train d'étudier. Elle semble avoir mieux à faire. Ses fréquentations sont à revoir. Ariadne se lance dans des explications bancales. Pas vraiment étonnant. Loïs descend de deux marches, les bras toujours croisés contre sa poitrine. ─ No, I don't actually. I don't take part in this kind of childishness, you know. Elle s'humidifie les lèvres, avant de regarder de nouveau les dégâts. ─ You're going to pay for this. They'll get their revenge for sure. Elle hausse des épaules. Cela lui importe peu. Même si elle soutient son université, elle n'a jamais été vraiment à fond dans toutes ces histoires de rivalité. Elle se contente d'aller à quelques matchs, quelques soirées parfois. C'est d'ailleurs là, qu'elle a rencontré Ariadne. ─ It's been a long time since I've seen you. Pas que cela lui manque, ou quoi que ce soit, évidemment.